Faut-il intervenir en Syrie? Ce qu’en pensent les réfugiés syriens en Jordanie

Le centre-ville d'Irbid en Jordanie. www.merblanche.com all rights reserved

Le centre-ville d’Irbid en Jordanie.
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Dans la ville d’Irbid au nord de la Jordanie, à une vingtaine de kilomètres de la Syrie, les réfugiés syriens sont partout. Ceux qui ne sont pas dans des camps, ont élu domicile dans des immeubles du centre-ville. Certains tiennent des restaurants, vendent des téléphones portables, s’improvisent glaciers.
A Irbid aujourd’hui, la majorité de la population est soit palestinienne, soit syrienne.
En deux ans, près de 500 000 Syriens ont trouvé refuge en Jordanie selon le Haut commissariat aux Nations Unies pour les réfugiés, dont 120 000 dans le camp de Zaatari (le deuxième plus grand camp au monde après Daba au Kenya). Selon les prévisions, la Jordanie pourrait même compter jusqu’à un million de réfugiés syriens d’ici la fin de l’année.

In the city of Irbid in northern Jordan, about twenty kilometers away from Syria, Syrian refugees are everywhere. Those who are not in camps, have taken up residence in buildings downtown. Some of  them run restaurants, sell mobile phones, or make ice-creams.
In Irbid today, the majority of the population is either Palestinian or Syrian.
Within the last two years, nearly 500,000 Syrians fled to Jordan according to the United Nations High Commissioner for Refugees, including 120,000 in the camp of Zaatari ( the second largest in the world after Daba in Kenya ). According to forecasts, Jordan could even host up to one million Syrian refugees by the end of the year.

Mais pour l’instant, les réfugiés ne s’intéressent qu’à une chose : la communauté internationale va t-elle intervenir militairement en Syrie pour détruire les positions de Bachar Al-Assad ?

But for now, Syrian refugees are only interested in one thing: will the international community intervene militarily in Syria against the President Bashar Al -Assad positions?

Des familles syriennes ont trouvé refuge dans cet immeuble du centre-ville d'Irbid en Jordanie. Août 2013. www.merblanche.com all rights reserved

Des familles syriennes ont trouvé refuge dans cet immeuble du centre-ville d’Irbid en Jordanie. Août 2013.
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Dans cet immeuble, 24 familles syriennes habitent. Cette femme a fui sa ville (dont elle ne veut pas dire le nom par peur des représailles) en février dernier avec ses 6 enfants. « Mon mari est en prison en Syrie depuis plus d’un an. Je n’ai pas beaucoup de nouvelles  de lui mais je sais qu’il va mal. On a besoin de la communauté internationale pour nous aider. On n’a pas d’autre solution pour l’instant. Mais comment être sûr que ces bombardements vont bien toucher les positions de Bachar Al Assad et pas celles de l’armée syrienne libre ? Comment être sûr que ce n’est pas la population, une nouvelle fois, qui va souffrir ?».

24 Syrian families are living in this building. This woman fled from a Syrian city (which she doesn’t want to name in fear of reprisals) in February with her six children. “My husband has been in prison in Syria for over a year. I don’t get a lot of information about him but i know his health is really bad. We need the international community to help us. There is no other solution for the moment. But how to be sure that these bombings well hit President Bashar Al Assad’s posiitons and not those of the Free Syrian Army ? How can we be sure that these strikes won’t hit the population ?”

A l’étage en dessous, il y a Mohammed, un jeune homme de 28 ans. Il est allongé sur un lit dans une chambre. Il ne peut pas bouger. Il a perdu l’usage de ses jambes au printemps 2012 après un bombardement à Homs. Il a été blessé alors qu’il revenait de la boulangerie.
Il y a un an, il a réussi à rejoindre la Jordanie avec sa mère. Depuis, il suit la situation de loin et ne croit pas qu’une intervention militaire puisse changer quoi que ce soit.
« Ce n’est pas une bonne idée d’intervenir. Ce sera encore pire après. Ce sera juste des destructions en plus en Syrie. Il n’y a que Dieu qui peut nous aider. Ou alors Bachar Al Assad doit changer d’avis et arrêter tout ça. Ou bien il faudrait aussi que tous les jeunes hommes qui ont quitté la Syrie y retournent pour aller se battre au coté de l’armée syrienne libre. »
Sa mère, voilée, remet le drap sur ses pieds. Elle n’ose rien dire mais des larmes coulent sur ses joues : « je n’ai rien à dire. J’ai tout perdu. Je n’ai plus rien. J’ai juste réussi à venir ici avec mon fils blessé. Il n’y a plus rien à dire sur la Syrie ».

On the floor below, lives Mohammed, a 28-year old man. He is lying on a bed in a room. He can not move. He lost the use of his legs in the spring of 2012 after a bombing in Homs. He was injured while returning from the bakery.
A year ago, he was able to flee to Jordan with his mother. Since then, he is monitoring the situation from far away, and does not believe that military intervention would change anything in Syria.
“This is not a good idea to intervene. The situation will only be worse. It will mean more destruction in Syria. Only God can help us. Or Bashar Al Assad must change his mind and stop all this. Or it would also requires that all young men who have left Syria,  go back there to fight alongside the Free Syrian Army . ”
His veiled mother arranges the sheet over her son’s feet. She dares not say anything but tears are streaming down her cheeks. “I have nothing to say. I lost everything. I have nothing left. I just managed to come here with my wounded son. There is nothing more to say about Syria. “

Dans un appartement loué à des réfugiés syriens en Jordanie. Août 2013. www.merblanche.com all rights reserved

Dans un appartement loué à des réfugiés syriens en Jordanie. Août 2013.
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Dans un autre appartement, cette femme raconte qu’elle a perdu son mari, tué par des hommes de Bachar Al Assad. En Jordanie depuis un an, elle est contre une intervention des Américains. Elle craint que la Syrie ne devienne un 2ème Irak.
« Je pense que la solution aujourd’hui ne peut venir que des pays arabes, c’est à eux de nous aider, pas aux puissances étrangères. Si les Américains interviennent en Syrie, ça risque d’entraîner tout le Moyen-Orient dans la guerre ».
Avec ses 3 enfants, elle ne se voit pas retourner en Syrie. « Même si la situation s’améliore je ne rentrerai pas là-bas. J’ai vu des photos de ma ville et il ne reste plus rien. Je n’ai plus rien là-bas. Je ne veux pas rentrer ». Elle soupire : « Bachar al Assad est prêt à tuer son propre fils pour rester en poste en Syrie. »

In another apartment, a woman says she lost her husband, who was killed by gunmen of Bashar Al Assad. She has been in Jordan for the last year and she is against an American intervention. She fears that Syria will become a second Iraq.
“I think today the solution can only come from Arab countries, it is up to them to help us, not foreign countries. If the Americans intervene in Syria, it would lead the entire Middle East into war.”
With her three children, she does not see herself returning to Syria. “Even if the situation improves there, I will not go back. I saw pictures of my city and there is nothing left. I have nothing there. I do not want to go back. ” She sighs : “Bashar al-Assad would kill his own son to stay on in Syria.”

Ne pas intervenir militairement en Syrie, c’est aussi l’avis Mahmoud, un ancien policier qui a fui la Syrie il y a 14 mois.
« J’ai fui, parce qu’en tant que policier, le régime me demandait de tirer sur les manifestants dans les rues. Et je n’avais pas le choix. C’était soit tu tires, soit on te tue. Mais moi je ne voulais pas tirer sur mes frères, sur mon peuple. Alors je suis parti »
Selon lui, il n’y a que les Syriens qui peuvent aider la Syrie, personne d’autre. Pour cela, il milite pour un soutien tactique et financier à la rébellion, pas une intervention militaire qui arrive bien trop tard : « C’est vraiment une honte d’intervenir maintenant 2 ans après. Si la communauté internationale avait voulu sauver la Syrie, il aurait fallut le faire dès le début »

Not intervening militarily in Syria, it is also the opinion of Mahmoud, a former policeman who fled from Syria 14 months ago .
“I fled because, as a police officer, the Assad regime asked me to shoot at protesters in the streets. And I had no choice. It was either I shoot or I’m dead. But I did not want to shoot my brothers, my people. So I escaped “
According to him, only Syrians can help Syria, nobody else. That’s why, he advocates for a tactical and financial support to the rebellion, not a military intervention which comes, anyway, too late. “It’s really a shame to intervene now two years later. If the international community had wanted to save Syria, it would had done from the start”.

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La folie Assaf

La foule à Ramallah pour l'annonce des résultats d'Arab Idol le 22 juin 2013 www.merblanche.com all rights reserved

La foule à Ramallah pour l’annonce des résultats d’Arab Idol le 22 juin 2013
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Certains disent que la dernière fois que les Palestiniens ont été aussi heureux c’était avant la création de l’Etat d’Israël. D’autres, qu’ils n’avaient pas été aussi unis depuis l’opération israélienne contre Gaza en 2002.
Quoiqu’il en soit, Mohammed Assaf a sans conteste gagné le cœur de tout un peuple en remportant la finale d’Arab Idol le 21 juin dernier. Premier palestinien à se démarquer dans ce genre de compétition, le jeune gazaoui de 23 ans, électrise les foules depuis des semaines. Véritable idole / star / phénomène de société, Mohammed Assaf se retrouve aussi nouvel ambassadeur de la cause palestinienne.

Some say that the last time Palestinians were so happy it was before the creation of the State of Israel. Others say they had not been so united since the Israeli operation against Gaza in 2002.
Anyway, Mohammed Assaf has undoubtedly won the heart of a nation by winning the Arab Idol final on June 21st. He is the first Palestinian to stand out in this kind of competition and the 23-year old Gazan, electrified and still electrifies crowds for weeks. Real idol / star / social phenomenon, Mohammed Assaf also found himself as a new ambassador for the Palestinian cause.

Un jeune Palestinien fait le signe de la victoire devant un poster de Mohammed Assaf à Ramallah le soir de la finale d'Arab Idol www.merblanche.com all rights reserved

Un jeune Palestinien fait le signe de la victoire devant un poster de Mohammed Assaf à Ramallah le soir de la finale d’Arab Idol
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Des débats télé sont organisés sur Al Jazeera, les radios locales repassent en boucle ses meilleures prestations, les ados se baladent avec des posters et des t-shirt à l’effigie du jeune homme. Y’a pas à dire. Il se passe un truc bizarre.

TV debates are held on Al Jazeera, local radios play again and again his best songs, teenagers running around with posters and t-shirts bearing the image of the young man. You have to admit : something weird is happening.

Des centaines de Palestiniens rassemblés dans le centre-ville de Ramallah pour suivre en direct l'annonce des résultats de la finale d'Arab Idol le 22 juin 2013 www.merblanche.com all rights reserved

Des centaines de Palestiniens rassemblés dans le centre-ville de Ramallah pour suivre en direct l’annonce des résultats de la finale d’Arab Idol le 22 juin 2013
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Petit retour en images et en vidéos sur la folie Assaf qui a déferlé et déferle encore sur les territoires palestiniens. (Et pas seulement).
(Pour relire l’histoire de Mohammed Assaf, sa vie, son oeuvre, c’est par ici).

Le 31 mai 2013, on se rend bien compte que quelque chose se trame. Des centaines de personnes sont massées dans le centre-ville de Ramallah près de la place de la Manara pour regarder en direct l’émission Arab Idol. Mohammed Assaf fait partie des derniers finalistes.
On May 31, 2013, we realize that something is going on. Hundreds of people crowded into  downtown Ramallah near the Manara Square to watch the Arab Idol live show. Mohammed Assaf is part of the last finalists.

Ramallah, 31 mai 2013 www.merblanche.com all rights reserved

Ramallah, 31 mai 2013
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Même scène 3 semaines plus tard pour la finale d’Arab Idol. Mohammed Assaf est alors en lice face à un Egyptien et une Syrienne. Depuis une semaine, la campagne de vote bat son plein. L’Autorité palestinienne appelle les Palestiniens à voter 3 pour soutenir l’enfant du pays et la Banque de Palestine propose même de voter une seconde fois à chaque fois qu’un vote pour Mohammed Assaf est envoyé. (Pour compenser le handicap démographique face aux Egyptiens.)
Same scene three weeks later for the final of Arab Idol. Mohammed Assaf is now in competition with an Egyptian and a Syrian girl. For a week, the voting campaign has been on. The Palestinian Authority called on Palestinians to vote 3 to support the child of the country and the Bank of Palestine even offered a second vote whenever a vote to Mohammed Assaf is sent. (To compensate for the demographic handicap against the Egyptians.)

Un drapeau palestinien fièrement brandi au-dessus de la foule à Ramallah le soir de la finale d'Arab Idol www.merblanche.com all rights reserved

Un drapeau palestinien fièrement brandi au-dessus de la foule à Ramallah le soir de la finale d’Arab Idol
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Et Mohammed Assaf fini la compétition en beauté en interprétant “3ali el kuffieh” (brandi le keffieh), chanson de la résistance palestinienne. Et chanson que Mohammed Assaf avait interdiction de chanter à Gaza, le Hamas la considérant comme “trop” Fatah.
Mohammed Assaf ends the tournament in style by performing “3ali el kuffieh”, avery well-know song of the Palestinian resistance. And a song Mohammed Assaf had been bannded from singing by Hamas who considers it as “too” Fatah.

Le lendemain, le soir de l’annonce des résultats, la foule est si dense que la police anti-émeute est déployée dans les rues de Ramallah.
The day after for the results of Arab Idol final, the crowd is so densed that the riot police deployed in Ramallah.

La police palestinienne déployée pour contenir la foule le soir de l'annonce des résultats de la finale d'Arab Idol, Ramallah, 22 juin 2013 www.merblanche.com all rights reserved

La police palestinienne déployée pour contenir la foule le soir de l’annonce des résultats de la finale d’Arab Idol, Ramallah, 22 juin 2013
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Des jeunes palestiniens dansent le dabke sur les toits www.merblanche.com all rights reserved

Des jeunes palestiniens dansent le dabke sur les toits
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Ramallah, 22 juin 2013 www.merblanche.com all rights reserved

Ramallah, 22 juin 2013
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Quand Mohammed Assaf est déclaré grand vainqueur d’Arab Idol 2013, c’est l’explosion de joie dans toute la Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.
When Mohammed Assaf is declared winner of Arab Idol 2013, joy exploded throughout the West Bank and the Gaza Strip.

Explosion de joie à l'annonce de la victoire de Mohammed Assaf www.merblanche.com all rights reserved

Explosion de joie à l’annonce de la victoire de Mohammed Assaf
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Sa victoire est fêté toute la nuit. Klaxons, feux d’artifice, reprise des chansons… les Territoires palestiniens sont en effervescence.
Tout le monde attend maintenant le retour au pays du jeune gazaoui. Ce sera chose fait le mardi 25 juin 2013. Mohammed Assaf rentre chez lui à Gaza, dans le camp de réfugiés de Khan Younes où l’attendent des milliers de personnes.
His victory is celebrated all night. Horns, fireworks, singing … Palestinian Territories are in turmoil.
Everyone now expects the return home of the young Gazan. This happened on Tuesday, June 25, 2013. Mohammed Assaf returned home to Gaza, in the refugee camp of Khan Yunis where thousands of people were waiting for him.

Des centaines de Gazaouis massés devant la maison de Mohammed Assaf à Khan Younes, Bande de Gaza www.merblanche.com all rights reserved

Des centaines de Gazaouis massés devant la maison de Mohammed Assaf à Khan Younes, Bande de Gaza
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Des centaines de Gazaouis massés devant la maison de Mohammed Assaf à Khan Younes, Bande de Gaza
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Et enfin, le point d’orgue de cette ferveur populaire ce fut le 1 er juillet 2013, date du premier concert gratuit de Mohammed Assaf en Cisjordanie. Plus de 10.000 personnes sont venues acclamer le jeune gazaoui à Ramallah, devant le palais présidentiel.
And finally, the highlight of this popular fervor was on the July 1, 2013, when Mohammed Assaf performed his first free concert in West Bank. More than 10,000 people came to hear the young Gazan singing in Ramallah, outside the presidential palace.

Des milliers de personnes devant le palais présidentiel à Ramallah pour écouter Mohammed Assaf www.merblanche.com all rights reserved

Des milliers de personnes devant le palais présidentiel à Ramallah pour écouter Mohammed Assaf
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Ramallah, 1er juillet 2013 www.merblanche.com all rights reserved

Ramallah, 1er juillet 2013
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Et pour l’ambiance en vidéo (tournée par un spectateur) :

Encore + d’Assaf :
En images ici et en sons et aussi.

Mohammed Assaf, de dos, keffieh sur les épaules et fleur rouge à la main, le soir de son premier concert à Ramallah, le 1er juillet 2013 www.merblanche.com all rights reserved

Mohammed Assaf, de dos, keffieh sur les épaules et fleur rouge à la main, le soir de son premier concert à Ramallah, le 1er juillet 2013
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La nouvelle vague palestinienne

La semaine dernière avait lieu le 4e festival du film franco-arabe dans les Territoires palestiniens. Une semaine de projection dans différentes villes : Bethléem, Naplouse, Ramallah, Jénine, Gaza, Hébron et Jérusalem-Est.

12 films ont été présentés. 12 films de réalisateurs arabes (Liban, Tunisie, Egypte, Palestine) dont 3 Palestiniens. L’occasion de plonger dans l’univers cinématographique palestinien. Un univers en devenir, qui se cherche mais qui produit aussi des petites pépites.

Le public a pu découvrir Condom Lead, le court-métrage réalisé par 2 frères Gazaouis et sélectionné au dernier Festival de Cannes. Un film qui nous plonge dans l’intimité d’un couple gazaoui pendant l’opération israélienne Plomb Durci de l’hiver 2008-2009.

Il y aussi Les Infiltrés de Khaled Jarrar. Un documentaire sur les Palestiniens qui essaient par tous les moyens de passer en Israel. Notamment en escaladant le mur de séparation, haut de 8 mètres. C’est prenant, déroutant, angoissant, touchant et drôle. Un condensé de ce que vivent les Palestiniens au jour le jour.
Un film sans moyen, tourné parfois au téléphone portable mais qui vaut d’être vu.

Et puis enfin, le film d’Annemarie Jacir “When i Saw You” (Lamma Shooftak). L’histoire d’un garçon et de sa mère réfugiés au Liban après la guerre de 1967. Et une seule envie : retrouver le père resté en Palestine.

Et dans ce film il y a surtout cette chanson

Voilà, pour une plongée rapide dans le monde du cinéma palestinien.

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La révolution Assaf

Posters à la gloire de Mohammed Assaf dans le salon de la maison familiale à Khan Younes, sud de la Bande de Gaza, mai 2013 www.merblanche.com all rights reserved

Posters à la gloire de Mohammed Assaf dans le salon de la maison familiale à Khan Younes, sud de la Bande de Gaza, mai 2013
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Il est plus populaire que Mahmoud Abbas et que toute la classe dirigeante palestinienne réunie. Mohammed Assaf, 23, ans est LE phénomène du moment en Palestine. Avec sa gueule d’amour et sa voix d’ange, Mohammed est l’un des finalistes de la version orientale de la Nouvelle Star, Arab Idol. Depuis plusieurs semaines, il enflamme le jury de l’émission (tournée au Liban) et avec lui toute la Palestine. Chaque vendredi, en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, des centaines de personnes se réunissent pour écouter et regarder les prestations du jeune homme.

Ramallah, 31 mai 2013 www.merblanche.com all rights reserved

Ramallah, 31 mai 2013
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A Ramallah, une des artères principales a été fermée à la circulation, des chaises ont été installées dans la rue et un écran géant repasse en boucle les anciennes prestations de Mohammed Assaf, en attendant le début de l’émission.

Ramallah, 31 mai 2013 www.merblanche.com all rights reserved

Ramallah, 31 mai 2013
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Dans l’assistance, il y a des enfants, des ado, des personnes âgées, des trentenaires, des familles, des femmes voilées, des femmes non voilées. Et comme pour tout spectacle, il y a les vendeurs de glaces, de kebab et des graines. A chaque apparition de Mohammed Assaf à l’écran, une clameur soulève la foule. Certains agitent des drapeaux palestiniens, d’autres portent un t-shirt à la gloire du jeune homme. Noura est venue en famille regarder l’émission, elle est assise au premier rang : « Mohammed Assaf est celui qui rassemble tout le monde, qui nous uni. On n’est pas uni économiquement, politiquement et géographiquement mais lui il a réussi à nous rassembler culturellement. Je me fiche qu’il soit de Gaza, de Ramallah ou de je ne sais d’où. Le plus important c’est qu’il soit palestinien. »

A l’écran, Mohammed arbore le keffieh palestinien sur ses épaules et revisite le répertoire musical arabe.

Le jury l’a surnommé « la roquette », sans doute une allusion à son tempérament de feu et un clin d’œil (cynique) à ses origines. Mohammed vient du camp de réfugiés de Khan Younes au sud de la Bande de Gaza.
Là-bas, les posters à son effigie ont envahi les rues de son quartier ainsi que la maison familiale. Mohammed Assaf est une idole, un modèle à suivre pour les jeunes du quartier. Dans un minuscule café internet (une pièce sans lumière avec 4 ordinateurs), les ado se repassent les meilleures prestations de Mohammed et chantent à tue-tête. « Mohammed est un formidable chanteur, s’exclame Ali un de ses voisins, et il représente tous les Palestiniens. Nous sommes heureux aussi de savoir que Mohammed est soutenu aussi bien en Palestine que dans le monde arabe. »

 La légende Assaf

Mohammed Assaf a surtout réussi là où tous les dirigeants palestiniens ont échoué : il arrive à rassembler derrière lui tous les Palestiniens, qu’ils soient de Cisjordanie ou de Gaza. Il représente aussi tout ce que le gouvernement israélien ne veut pas voir : C’est un jeune Palestinien, musulman mais pas radical, sans affiliation politique et qui n’a (sauf preuve du contraire) aucun dossier criminel à son actif.
Pour les Palestiniens, il représente l’espoir et le renouveau estime son frère ainé Shaadi : « ça n’apaise pas notre souffrance ici mais en tout cas les problèmes des Palestiniens sont désormais sur le devant de la scène. Et nous montrons que nous, les Palestiniens, nous ne sommes pas des terroristes, comme tout le monde nous présente. Nous sommes aussi des artistes et nous savons créer ».

Ramallah, 31 mai 2013 www.merblanche.com all rights reserved

Ramallah, 31 mai 2013
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Qu’il gagne ou non Mohammed Assaf est déjà une légende, d’autant que le jeune homme a faillit ne jamais participer à l’émission : en raison des restrictions imposées sur la population de Gaza, Mohammed est arrivé trop tard au Caire pour s’inscrire aux auditions. Il s’est alors mis à chanter dans le hall et a été repéré par un membre du jury.

Récupération politique ?

Même si toute cet engouement populaire ne repose que sur un télé-crochet, certains Palestiniens ne peuvent s’empêcher d’y voir une résonnance politique, comme Ali un trentenaire de Ramallah : « Mohammed Assaf est sorti des ruines, il vient de Gaza, d’un milieu très modeste mais il représente tous les Palestiniens. Comme le disait Yasser Arafat, les révolutions ne passent pas que par les armes, elles passent aussi par la culture. »

Officiellement affilié à aucun parti politique, la notoriété de Mohammed Assaf fait tout de même parler au sein de la classe politique palestinienne. Au début, le Hamas (la parti islamiste au pouvoir à Gaza) ne voyait pas d’un très bon œil cette « idolâtrie » vouée au jeune homme. Mais face au soutien populaire, les dirigeants du Hamas n’ont eu d’autre choix que de baisser le ton.
A l’inverse, le Fatah de Mahmoud Abbas au pouvoir en Cisjordanie a bien vu l’intérêt de soutenir le jeune homme. Le premier ministre démissionnaire, Salam Fayyad, l’a même appelé pour le féliciter et le soutenir. Et selon certaines sources, le président palestinien aurait même envoyé son fils au Liban pour aller soutenir personnellement Mohammed Assaf. Peut-être va-t-il lui proposer le siège de premier ministre, un poste à pourvoir depuis plus d’un mois….

Ramallah, 31 mai 2013 www.merblanche.com all rights reserved

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ENGLISH VERSION

He is more popular than Mahmoud Abbas and than the entire Palestinian leadership. Mohammed Assaf, 23 , is THE phenomenon of a time in Palestine. With his handsome look and his angel voice, Mohammed is one of the finalists of Arab Idol. For several weeks, he has been inflaming the jury and with it the whole Palestine. Every Friday, in the West Bank and the Gaza Strip, hundreds of people gather to listen and watch the performance of the young man.
In Ramallah, the main street is closed to traffic, chairs are set up in the street and a giant screen shows Assaf’s last performances, awaiting for the show to start. In the audience, there are children, teenagers, elderly, people in their thirties, families, veiled women, unveiled women. And as with any show, there are ice cream vendors, kebabs and seeds. At each appearance of Mohammed Assaf on the screen, the crowd raised a clamor. Some are waving Palestinian flags, others wear a t-shirt in honor of the young man. Noura came with her family to watch the show, she is sitting in the front row: “Mohammed Assaf brings everyone together, unites us. We are not united economically, politically and geographically, but he has managed to bring us together culturally. I don’t carehe is from Gaza, Ramallah or anywhere esle. The most important is that he is Palestinian. ”

On the screen, Mohammed bears the Palestinian keffiyeh on his shoulders and revisits the Arab musical repertoire. The jury calls him the “rocket”, probably a reference to his fiery temperament and a (cynical) nod to its origins. Mohammed comes from the refugee camp of Khan Younis in southern Gaza Strip.
There, posters bearing his image invaded the streets of his neighborhood as well as the family home. Mohammed Assaf is an idol, a model for local youth. In a tiny internet cafe (a dark room with 4 computers), teens watch again and again Assaf’s performances and sing loudly. “Mohammed is a great singer, Al, one his neighbor, exclaimed, and he represents all Palestinians. We are also pleased to know that Mohammed is supported both in Palestine and in the Arab world. “

Assaf legend

Mohammed Assaf succeeded where all Palestinian leaders have failed: he manages to rally behind him all Palestinians, whether they are from the West Bank or from the Gaza Strip. It also represents everything the Israeli government does not want to see:  he is a young Palestinian, Muslim but not radical, non-politically affiliated and does not (unless proven otherwise) have a criminal record.
For Palestinians, it represents hope and renewal. Shaadi, his older brother: “it does not soothe our pain here but in any case the problems of the Palestinians are now on the front of the stage. And we show that we, Palestinians, we are not terrorists, as everyone sees us. We are also artists and we can create. ”
Whether he wins or not, Mohammed Assaf is already a legend, especially as he almost failed to participate to the program. Due to the restrictions imposed on the people of Gaza, Mohammed arrived too late in Cairo to register for the auditions. He then began to sing in the lobby and was spotted by a member of the jury.

Political reclamation?

Even if all this popular craze is based on a TV show, some Palestinians can not help but see a political resonance. Ali, 30, came to watch the programm in Ramallah city center : “Mohammed Assaf came out from the ruins, he is from Gaza, from a poor family but he represents all Palestinians. As Yasser Arafat said, revolutions doesn’t just come from the weapons, they also come from culture. ”
Officially non-affiliated to any political party, the reputation of Mohammed Assaf is still discussed in the Palestinian political class. At first, Hamas (the Islamic party in power in Gaza) wasn’t haapy with seeing this “idolatry” dedicated to the young man. But ahead of  the popular support, Hamas leaders have had no choice but to tone it down.

In contrast, Mahmoud Abbas’ politcal party, Fatah, in power in the West Bank, has understood the importance of supporting the young man. The outgoing Prime Minister, Salam Fayyad, has even called Mohammed Assaf to congratulate him and show his support. And according to some sources, the Palestinian president had even sent his son to Lebanon to support personally Mohammed Assaf. Maybe he will offer him the seat of prime minister, a position that has been vacant now for more than a month….

 

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65 ans d’histoire de réfugiés

Tous les 15 mai depuis 65 ans, les Palestiniens descendent dans les rues pour commémorer ce qu’ils appellent la Nakba, la catastrophe en arabe. L’exode de plus de 700.000 Palestiniens suite à la guerre israélo-arabe de 1948 et la création de l’Etat d’Israel.
Ces Palestiniens ont quitté ou ont été forcés de quitter leurs maisons, sans jamais pouvoir revenir y habiter. C’est ce que l’on appelle les réfugiés palestiniens. Aujourd’hui, ces réfugiés et leurs descendants sont autour de 5 millions (chiffres UNRWA) répartis dans les Territoires palestiniens, en Jordanie, en Syrie et au Liban. Tous espèrent pouvoir un jour retourner dans leur ancienne maison (beaucoup ont encore leur clé), c’est ce qu’ils appellent le « droit au retour ».

Zakkyeh dans sa maison à Naplouse, Cisjordanie, mai 2013 www.merblanche.com all rights reserved

Zakkyeh dans sa maison à Naplouse, Cisjordanie, mai 2013
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Zakkyeh a 82 ans et des yeux rieurs. Elle habite aujourd’hui dans le centre-ville de Naplouse, non loin de l’université, dans une maison qui donne sur une ruelle faite d’escaliers. Zakyeh a quitté Haifa, en pleine guerre, quand elle avait 18 ans avec son mari et ses 2 enfants.
« C’était un jeudi. Il y avait beaucoup des combattants juifs qui tiraient sur les gens. On a fuit vers la mer, on a couru. Il y avait des passerelles pour rejoindre des bateaux, des passerelles en métal. On est monté et on est partis en bateau pour rejoindre St Jean d’Acre. On a laissé un de mes frères qui a été tué à Haifa. Et puis on est arrivés ici à Naplouse ».
Zakkyeh et sa famille, comme beaucoup, pensaient que cette situation ne serait que temporaire. Mais 65 après, ils vivent toujours à Naplouse : « Ca a été difficile et compliqué de s’adapter ici. On pleurait tout le temps. Mais on nous disait, vous allez repartir, vous allez repartir! Mais aujourd’hui on est toujours là et on attend toujours de pouvoir repartir. »
Zakkyeh a le statut de réfugié, un statut délivré par les Nations Unies et qu’elle a transmis à ses enfants et petits-enfants. Elle nous montre sa carte d’enregistrement auprès de l’UNRWA, l’organisme des Nations Unies qui s’occupe des réfugiés palestiniens.

La carte de réfugiée de Zakkyeh. Naplouse, mai 2013 www.merblanche.com all rights reserved

La carte de réfugiée de Zakkyeh. Naplouse, mai 2013
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En attendant un jour de pouvoir retourner à Haifa, Zakkyeh est la mémoire de la famille. Elle ne cesse de raconter son histoire de la Nakba, son expérience, sa peur aussi. « Je fais de mon maximum pour expliquer à mes enfants et mes petits-enfants ce qu’il s’est passé en 1948. Je leur parle de notre passé, d’Haifa, de la maison, de la ville, de notre histoire. Nous sommes allés revoir la ville et notre maison une fois, en 2000. Il y avait une famille israélienne dedans. Elle nous a bien accueilli, elle nous a offert une boisson gazeuse. Elle nous a dit qu’on pouvait revenir visiter quand on voulait mais que cette maison n’était plus à nous. Eux, ils l’ont acheté à l’organisation israélienne Haganah ».
Zakkyeh se remémore aussi l’emplacement des meubles et des pièces, de la douceur de vie à l’époque, quand elle prenait le train et qu’elle allait à la plage. Aujourd’hui, Zakkyeh n’a pas les permis nécessaires pour passer en Israel. Son horizon se limite à la vue sur les collines de Naplouse depuis sa fenêtre. Mais elle garde espoir. L’espoir qu’un jour elle ou ses enfants retourneront vivre en paix à Haifa. « Revenir, c’est une obligation. Même si c’est dans longtemps, même si cela paraît impossible. »

 

Abdul Amid dans sa maison à Naplouse, Cisjordanie. Mai 2013 www.merblanche.com all rights reserved

Abdul Amid dans sa maison à Naplouse, Cisjordanie. Mai 2013
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Abdul Amid porte le keffieh sur la tête et le portrait de son fils qui a été emprisonné en Israël pendant 18 ans. A 75 ans, ce père de 11 enfants vit dans une maison à l’entrée de Naplouse. Cela fait seulement 7 ans qu’il vit ici. Avant cela, il a passé 54 ans dans le camp de réfugiés de Balata, le plus important de Cisjordanie (23.000 personnes y habitent aujourd’hui). Abdul Amid a quitté Tirat Dandan, près de Lod en juin 1948. « Ce dont je me rappelle c’est que c’était un petit village peuplé principalement de musulmans et de chrétiens. C’était une vie simple, les gens vivaient de l’agriculture et de l’élevage. On était heureux ». Abdul Amid a fui avec ses parents et ses 4 frères et sœurs par peur des violences et des massacres. A 10 ans à l’époque, il se souvient être parti de chez lui pieds nus avec seulement ce qu’il portait sur le dos. Après plusieurs mois d’errance, sa famille a fini par atterrir dans le camp de réfugiés de Balata, en 1952. « Quand on est arrivé ici, on n’avait rien. On vivait dans des tentes. Après 15 années passées dans ce camp, on a commencé à monter des maisons en boue et puis les Nations Unies ont construit des maisons en dur. Mais ça restait des conditions de vie pénibles, surtout l’hiver avec le froid et la pluie ».
Le camp s’agrandit avec les années, mais la situation ne s’améliore guère pour la famille. Abdul Amid vit de petits commerces. Il dit ne plus rien avoir de son ancienne vie, il raconte que les soldats israéliens lui ont pris une boite dans laquelle il gardait la clé de sa maison et ses papiers. Alors, il lui reste le souvenir qu’il tente de transmettre aux 65 membres de sa famille. « C’est très important de ne pas oublier. Car nous, les vieux, ceux qui sont partis en 1948, nous allons mourir donc il faut que nos enfants et nos petits-enfants prennent la relève. Nous sommes les propriétaires de cette terre et nous le resterons. » Abdul Amid dit n’avoir aucun ressentiment contre les Israéliens. Il blâme les Etats-Unis et les dirigeants israéliens qui, dit-il, maintiennent la haine entre les peuples.

 

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