Dans une interview à la chaine de télévision israélienne, Channel 2, le leader de l’autorité palestinien a déclaré qu’il n’avait aucun droit de revenir vivre dans sa ville natale située aujourd’hui en Israël. Une déclaration qui choque l’opinion palestinienne qui milite depuis des années pour le droit au retour des 5 millions de réfugiés palestiniens.
En 1 minute et 30 secondes, Mahmoud Abbas a réussi à se mettre à dos une grande partie de la population palestinienne. Lui, qui est déjà très critiqué dernièrement.
httpv://www.youtube.com/watch?v=RWa0hUcTUFA&feature=youtu.be
Pour les non-anglophones, voilà la retranscription de l’interview :
MA : Aussi longtemps que je serais en poste, il n’y aura pas de 3e Intifada armée. Jamais. Nous ne voulons pas utiliser la terreur, nous ne voulons pas utiliser la force, nous ne voulons pas utiliser d’armes. Nous voulons utiliser la diplomatie, la politique, nous voulons utiliser les négociations, de la résistance pacifique, c’est tout.
Journaliste : Parfois votre télévision officielle, parle d’Akko, Ramla et Jaffa en tant que Palestine. Vous êtes vous-même originaire de Tsfat (nom hébreu pour Safed, ndlr), c’est ça ?
MA : Oui, de Tsfat !
Journaliste : avez-vous envie d’y aller ?
MA : bien sûr ! je veux voir Safed.
Journaliste : visiter ou y vivre ?
MA : J’ai visité Safed, une fois. Mais je veux voir Safed, c’est mon droit de voir Safed. Mais pas d’y vivre.
Journaliste : d’accord. Mais c’est la Palestine pour vous ?
MA : Pour moi aujourd’hui la Palestine c’est dans la frontière de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale. C’est comme ça maintenant et pour toujours. C’est la Palestine pour moi. Je suis un réfugié mais je vis à Ramallah et je pense que la Cisjordanie et Gaza sont la Palestine. Et les autres parties, Israël.
Vu comme ça, tout ça paraît anodin, banal. Un discours entendu et rebaché depuis plusieurs années.
En apparence.
Car, en profondeur, c’est un vrai bouleversement. Dès la diffusion de ces propos, une vague de consternation a déferlé sur les réseaux sociaux. Mahmoud Abbas s’est vu accolé des adjectifs peu flatteurs comme « traitre », « collaborateur » et d’autres beaucoup plus injurieux.
Certains ont préféré en faire de l’humour : (capture d’écran Twitter)
Où est le problème ?
Ce qui fait polémique tient en cette phrase prononcée par Mahmoud Abbas : « J’ai visité Safed, une fois. Mais je veux voir Safed, c’est mon droit de voir Safed. Mais pas d’y vivre ». Pour les Palestiniens, Abbas renonce purement et simplement au « droit au retour » des réfugiés palestiniens de 1948 et de leurs descendants. Un principe sacro-saint en Palestine depuis la création de l’Etat d’Israël.
C’est le cheval de bataille de toute une population et un des obstacle majeur à la conclusion d’un processus de paix. Les Palestiniens demandent à ce que les réfugiés et leurs descendants puissent revenir dans leur ville natale ou être indemnisés.
Israël refuse, en violation de la résolution 149 de l’ONU votée le 11 décembre 1948. L’article 11 stipule :
« Décide qu’il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers et pour tout bien perdu ou endommagé lorsque, en vertu des principes du droit international ou en équité, cette perte ou ce dommage doit être réparé par les Gouvernements ou autorités responsables ;
Donne pour instructions à la Commission de conciliation de faciliter le rapatriement, la réinstallation et le relèvement économique et social des réfugiés, ainsi que le paiement des indemnités, et de se tenir en liaison étroite avec le Directeur de l’Aide des Nations unies aux réfugiés de Palestine, et, par l’intermédiaire de celui-ci, avec les organes et institutions appropriés de l’Organisation des Nations unies ».
« Abbas ne me représente pas »
Ce qui chose aussi la population c’est que Mahmoud Abbas parle au nom du peuple palestinien, sans lui demander son avis. Sur cette photo qui circule sur facebook, on peut lire « Je suis un Palestinien et Mahmoud Abbas ne me représente pas ».
Certains en appellent déjà à la démission de Mahmoud Abbas et ne se privent pas de rappeler que le chef de l’Autorité palestinienne n’a plus de mandat depuis 2009.
Il faut aussi penser aux réfugiés palestiniens installés hors de Cisjordanie. Les millions de personnes qui vivent depuis des années dans des camps au Liban, en Jordanie, en Syrie, et qui attendent qu’une seule chose : pouvoir rentrer chez eux.
Au siège de l’Autorité palestinienne, on tente de calmer les esprits et de minimiser la portée des propos du leader, en assurant qu’il ne s’agit pas d’un renoncement au droit au retour.
Les autres factions palestiniennes ne l’entendent pas de cette oreille. Le FPLP et le Hamas condamnent les propos de Mahmous Abbas. Le Hamas ironise même : « Si Abbas ne veut pas de Safed. Safed sera très honorée de ne pas recevoir quelqu’un comme lui ».