Non, le Fatah n’a pas gagné les élections municipales en Cisjordanie.

Un bureau de vote à Al-Bireh, 20 octobre 2012
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La Cisjordanie votait pour la première fois depuis 6 ans. Un scrutin local pour renouveler les conseils municipaux. En tout, 93 localités étaient concernées et 500 000 Palestiniens appelés à voter.
Avec le boycott du Hamas, beaucoup prédisait un raz-de-marée du Fatah, le parti au pouvoir. Le raz-de-marée s’est finalement transformé en vaguelette.

Le pourquoi de ces élections.

Suite à la prise du pouvoir du Hamas à Gaza en 2007, la guerre fratricide avec le Fatah et le début de la division palestinienne, les leaders palestiniens ont décidé de reporter sine die toutes les élections prévues. Ce qui fait que depuis cette année-là, il n’y a eu aucun renouvellement des instances dirigeantes, qu’elles soient locales, législatives ou présidentielle.

Mahmoud Abbas n’a officiellement plus de mandat depuis 2009.

Pour calmer les esprits et les demandes de plus en plus incessantes d’élections, l’Autorité palestinienne avait annoncé un scrutin local pour juillet 2010. Finalement, il a été annulé, puis reporté, puis annulé, puis reporté. Pour finalement avoir lieu le 20 octobre dernier. Mais seulement en Cisjordanie, le Hamas ayant décidé de boycotter le scrutin pour des raisons politiques.

Jusqu’au dernier moment, les Palestiniens sont restés sceptiques, attendant une annulation de dernière minute. Qui pour une fois n’a pas eu lieu.
Mais le mal était fait. La campagne n’a pas mobilisé les foules et les meetings sont restés plutôt confidentiels.

Un électeur palestinien cherchant son nom sur la liste des votants à Al-Bireh, 20 octobre 2012.
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Apathie et division

Au final, ces élections présentées par l’Autorité palestinienne comme un sursaut démocratique n’ont mobilisé que 55% des électeurs. Un taux plutôt faible pour une société palestinienne d’habitude très politisée et comparé aux 75% des élections législatives de 2006. Comme le dit un politique palestinien, « il y a vrai ras-le-bol de la politique ».

Il faut dire aussi que les Palestiniens ont d’autres préoccupations. La crise économique enfle et touche de nombreuses familles. Les prix se sont envolés ces derniers mois, le kilo de tomates est passé de 0,50€ à 1,50€ et le litre d’essence frôle les 1,50€, alors que le salaire moyen ne dépasse pas les 300€.

Et puis surtout, la population en a marre de cette division entre la Cisjordanie et Gaza. Pour eux, elle affaiblit la cause palestinienne mais surtout elle déplace les priorités. La fin de la division devient plus importante que la fin de l’occupation.

Bureau de vote à Al-Bireh, 20 octobre 2012
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De son côté, le Fatah, le parti de Mahmoud Abbas, a privilégié une campagne légère, un murmure, misant sur le boycott du Hamas pour remporter les sièges et reprendre les grosses villes comme Naplouse, acquise au Hamas en 2005.

Une stratégie qui n’a pas plus à tout le monde au sein du parti, comme le raconte le politologue Khaled abu Khader : « Le Hamas a boycotté mais le Fatah s’est présenté. Et je pense que c’est une erreur. Le Fatah aurait du se retirer car ces élections ont à voir avec des services de proximité. Mais le Fatah ne l’a pas entendu de cette manière et cela a provoqué une scission. Certains membres n’ont pas souhaité suivre les têtes de liste du Fatah, ils ont créé leur propre liste indépendante et certains ont été tout bonnement renvoyés des instances du parti. Donc au final, le Fatah affronte le Fatah et ça ne fait qu’affaiblir le parti, accentuer les problèmes internes. »

Les listes dissidentes ont vu le jour un peu partout. Notamment à Naplouse emmenée par un ancien maire Ghassan Shakaa et à Ramallah avec la liste Abna Albalad. Deux listes qui ont remporté ces élections, laissant sur le carreau les têtes du Fatah.

La liste Abna Albalad à Ramallah.
Tout en haut à gauche, c’est Moussa Hadid, le futur nouveau maire de Ramallah
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La perte de Naplouse, Ramallah et Jénine.

A peine les résultats définitifs dévoilés, le Fatah a crié victoire, parlant « d’un large référendum populaire sur le programme politique du mouvement et sa performance nationale ».

A y regarder de plus près, le « référendum populaire » est plutôt un mirage. Selon la commission électorale, le Fatah remporte au final 440 sièges sur les 1051 en jeu. Soit 41% des voix. Un chiffre qu’il faut relativiser puisque le principal rival du Fatah (le Hamas) ne se présentait pas.
Mais surtout, le Fatah perd des villes importantes comme Naplouse (2e plus grande ville de Cisjordanie), Ramallah (siège de l’Autorité palestinienne) et Jénine (connue pour ses groupes de combattants contre Israël).
Le parti au pouvoir garde, en revanche, le sud du territoire avec Hébron, Jéricho et Bethléem.

Le centre-ville de Naplouse pendant la campagne, octobre 2012
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Ces élections qui devaient signer la victoire écrasante du Fatah se sont transformées en une mixture peu digeste pour le parti de Mahmoud Abbas.
Le parti est apparu divisé, renforçant du même coup l’unité du Hamas, il a perdu 27 de ces membres influents (renvoyés pour avoir conduit des listes dissidentes) et il se retrouve un peu plus marginalisé dans le nord de la Cisjordanie.

Quelles peuvent être les conséquences sur l’avenir politique des territoires palestiniens ? L’Autorité palestinienne peut-elle vraiment organiser des élections générales dans ce contexte sans risquer de perdre le pouvoir ? Que va-t-il advenir de la réconciliation palestinienne ? Et enfin, quel interlocuteur sera en mesure de représenter tous les Palestiniens face à Israël dans quelques années ?

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2 réponses à Non, le Fatah n’a pas gagné les élections municipales en Cisjordanie.

  1. Louise dit :

    Merci pour cet article , Ghassan Shakaa est donc le nouveau maire de Naplouse?
    Comment s’appelle son parti ?
    Il ne serait ni lié au Fatah ni au Hamas ?

    Cordialement

    • EmilieB dit :

      Oui, Ghassan Shakaa est le nouveau maire de Naplouse. Il conduit une liste indépendante intitulée je crois Naplouse pour tous. C’est un ancien du Fatah, non lié au hamas.

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