“5 caméras brisées” ou la résistance palestinienne aux Oscars

Ce mercredi 20 février 2013 sort en France le documentaire palestinien « 5 broken cameras » (« 5 caméras brisées »). Documentaire sélectionné pour les  Oscars dans la catégorie meilleur documentaire et qui relate l’histoire de la résistance du village de Bil’in en Cisjordanie contre l’occupation israélienne.

La mosquée de Bil'in, là ou partent toutes manifestations contre le mur de séparation www.merblanche.com all rights reserved

La mosquée de Bil’in, là d’où partent toutes manifestations contre le mur de séparation
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« 5 caméras brisées » c’est l’histoire d’un homme, Emad Burnat et de son village Bi’lin. Tout commence en 2005. Emad, un père de famille palestinien, achète une caméra pour la naissance de son fils Gibreel. Une naissance qui coincide avec le début de la résistance du village contre l’occupation israélienne. Kefar, un des habitants, explique : « Les Israéliens ont commencé à confisquer des terres ici dans les années 80. En 1990, ils ont commencé à construire une colonie, puis une autre en 2003. Et puis en 2004, ils ont commencé à déraciner des oliviers pour construire le mur. Et là les habitants de Bilin ont tenté d’arrêter les bulldozers pour garder leurs terres. C’est à ce moment-là que notre combat a commencé contre le mur et la colonisation israélienne. »

Emad se met alors à tout filmer : les constructions des colonies, les altercations avec les colons, la construction du mur. Les habitants organisent aussi tous les vendredis des manifestations contre le mur de séparation. « L’histoire de mon village c’est aussi mon histoire ! explique Emad Burnat dans son jardin entouré d’oliviers, C’est l’histoire de la résistance non violente contre la construction du mur, contre le fait que 55% des terres de Bilin ont été confisquées par israel. Et mon but c’est de toucher un public extérieur, de lui montrer la situation et nos vies ici. Montrer la réalité et la vérité de ce que nous vivons”.

Emad Burnat et sa femme dans leur jardin de Bilin - février 2013 www.merblanche.com all rights reserved

Emad Burnat et sa femme dans leur jardin de Bilin – février 2013
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Une réalité sans fard, brute. Emad filme toutes les manifestations des plus calmes au plus violentes. Toutes les semaines, le même scénario se répète : les habitants marchent jusqu’au mur, ils sont stoppés par des soldats israéliens. Puis, la scène dégénère. Jets de pierre d’un côté, tirs de gaz lacrymogènes de l’autre. Mais parfois, les affrontements sont beaucoup plus violents et il arrive que l’armée tire sur les manifestants avec des balles en caoutchouc ou à balles réelles.

5 ans de tournage, 5 caméras

« 5 caméras brisées » c’est le nombre de caméras qu’Emad a perdu pendant ses 5 années de tournage. Toutes détruites pendant ces manifestations du vendredi ou lors d’altercation avec des colons. L’une d’entre elle par exemple a été pulvérisée par une balle en caoutchouc tirée par un soldat israélien. Emad a lui aussi passé des moments difficiles : «  J’ai été blessé plusieurs fois, mes caméras ont été détruites plusieurs fois, par des tirs, par des cartouches de gaz lacrymogènes et j’ai été arrêté 2 fois. J’ai été éloigné de ma famille, de mes enfants. J’ai été assigné à résidence et je n’avais même pas le droit de venir dans le village. J’ai aussi été frappé par des soldats israéliens, j’ai la cicatrice, là, au coin de l’œil. Vous savez, j‘ai frôlé la mort à plusieurs reprises. »

Les 5 caméras brisées d'Emad Burnat www.merblanche.com all rights reserved

Les 5 caméras brisées d’Emad Burnat
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Une des scènes les plus marquantes du film quand le père d’Emad tente de s’interposer à l’arrestation d’un autre de ses fils.

En 7 ans de combat contre le mur, Bil’in a perdu 2 de ces habitants, tués lors des manifestations du vendredi. Mais Bil’in a aussi réussi quelque chose qu’aucun autre village palestinien n’a pour l’instant réussi : il a fait reculer le mur de séparation. En 2007, le tracé du mur a été changé, sur ordre de la Cour suprême israélienne. Une petite victoire pour Bil’in qui  aujourd’hui encore vit au son des bulldozers qui construisent les colonies israéliennes voisines, comme le fait remarquer Samer Burnat, le frère du réalisateur : « On s’est battu pendant 5 ans pour regagner un peu de terre et faire reculer le mur. On a récupéré, disons, 100 hectares de nos terres. Mais le mur ici et la colonie juste de l’autre côté, sont battis sur les terres de Bil’in. Donc on continuera à se battre jusqu’à ce que toutes les terres de Bil’in soit rendues ».
Les habitants continuent donc, inlassablement, de manifester tous les semaines après la grande prière du vendredi.

Les oliviers de Bil'in, le mur et l'extension de la colonie de Modi'in Illit www.merblanche.com all rights reserved

Les oliviers de Bil’in, le mur et l’extension de la colonie de Modi’in Illit
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Une nouvelle dimension.

Mais aujourd’hui, avec le documentaire d’Emad Burnat, la résistance du village de Bil’in sort des frontière et s’expose aux regards extérieurs. L’image de l’armée israélienne y est écornée, la réalité de l’occupation exposée au grand jour. En quelque sorte, « 5 caméras brisées » est une piqure de rappel pour les Israéliens qui vivent parfois loin de la réalité de l’occupation. C’est en tout cas l’avis d’un chroniqueur du journal israélien Maariv : « Tout Israélien qui suit l’actualité, connaît le nom de Bil’in et sait qu’il y a là-bas une bataille contre le mur. Mais sait-il que le mur est construit sur des terres palestiniennes ? A t-il conscience de la force disproportionnée utilisée par l’armée ? Tout ça sont des nuances qui vont dépendre des orientations politiques de chacun. Mais je pense que le combat de Bil’in a totalement réussi à maintenir la question palestinienne sur l’agenda israélien. Et quand on pense à ce tout petit groupe de personnes qui a commencé ce combat et l’a fait vivre, le succès est encore plus grand, car l’Autorité palestinienne n’a pas fait mieux que ce que les habitants de Bilin ont réussi ».
Quelque ce soit l’issue de la cérémonie des oscars dimanche soir aux Etats-Unis, la question palestinienne est plus que jamais sous les projecteurs.

bilin_affiche

Pour aller plus loin :
La projection du film à de jeunes israéliens :

Reportage à Bilin sur France info

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