Non, mais qu’est-ce que Scarlett Johansson avait besoin de se mettre dans ce merdier ? L’amour pour l’eau gazeuse ?
(Pour ceux qui ont raté le début de l’affaire, c’est par là.)
Beaucoup diront : « mais enfin, ce n’est qu’une machine à faire des bulles ! pas la peine d’en faire une affaire politique ». C’est marrant ça me rappelle quand JR a du mettre fin (en toute discrétion) à son projet en Cisjordanie en 2011. Là, on ne parlait pas de boycott mais de normalisation. Mais les réactions étaient les mêmes, du genre « On fait de l’art, pas de la politique ».
Oui, sauf qu’ici tout est politique. Qu’on le veuille ou non. Et tout le monde le sait.
Ce qui est reproché à l’actrice américaine de Lost in Translation s’est d’avoir donné son image à la société israélienne SodaStream qui produit les machines à gazéifier l’eau.
Jusque là, je dis pourquoi pas : Si elle a envie de faire des bulles, grand bien lui fasse.
SAUF que ça devient embêtant quand on sait que :
– SodaStream produit ces mêmes machines à Mishor Adumim, une zone d’activité implantée dans une colonie israélienne en Cisjordanie, non loin de Jérusalem
– Cette colonie est donc illégale au regard du droit international
– Scarlett Johansson est (était) aussi ambassadrice d’Oxfam, une ONG humanitaire britannique très active dans les Territoires palestiniens occupés
Attaquée de toute part, Scarlett Johansson a finalement choisi SodaStream et les millions de dollars et a lâché Oxfam et l’humanitaire. Chacun ses priorités.
Alors, certains répondront que :
– SodaStream produit dans UNE et pas DES colonies
– SodaStream compte aussi bientôt déménager dans une nouvelle usine, de l’autre côté de la ligne verte, en Israël
– SodaStream emploie la moitié de travailleurs palestiniens et fait donc vivre l’économie locale
– SodaStream ne fait pas de politique mais des bulles dans de l’eau
Oui, tout ça est vrai.
Mais ça demande quelques éclaircissements.
SodaStream s’est installé à Mishor Adumim en 1996. La société possède aussi une usine à Ashkelon et bientôt une autre dans le Neguev. Officiellement, SodaSteam a choisi de s’installer dans une colonie de Cisjordanie, pour des raisons financières et « non politiques » comme l’expliquait en 2000, Peter Wiseburgh, le fondateur de la société : «J’ai regardé partout mais le poids de la bureaucratie était écrasant. Quand je suis arrivé ici, l’endroit (occupé auparavant par l’armée israélienne) était désert et infesté de pigeons. Je suis reparti. Mais une semaine plus tard, on m’a offert de louer le site gratuitement pendant les 6 premiers mois, puis pour 44 000 NIS par mois (9000 €) et on m’a aussi donné 100.000 dollars pour rénover l’endroit. J’ai donc décidé de louer 13.000 m2 car c’était un bon deal ! Pas un acte politique ».
Pas un « acte politique », sauf que la colonie de Mishor Admumim est installée sur 7.500 hectares de terres palestiniennes. C’est aussi par elle, que s’est créée la colonie de Maale Adumim, adjacente, une des plus importantes de Cisjordanie.
En 1975, le gouvernement israélien donne son feu vert pour la construction près du site de Mishor Adumim, d’un compound pour travailleurs. Ce sera le début de la construction de Maale Adumim qui compte aujourd’hui 35.000 habitants.
Les terres confisquées pour la création de ces 2 colonies appartenaient aux villages palestiniens d’Abu Dis, Azarya, A-Tur, Issauya, Han El Akhmar, Anata et Nebbi Mussa. C’est encore aujourd’hui considéré comme l’expropriation la plus importante dans l’histoire de l’occupation israélienne.
C’est un fait, beaucoup de Palestiniens travaillent dans les colonies israéliennes. Le plus souvent poussés par un salaire plus élevé et le taux de chômage rampant en Cisjordanie. Pour les employeurs israéliens, ils sont de la main d’œuvre souvent moins chère et à qui ils n’ont pas besoin de fournir tous les droits salariaux et syndicaux. Mais surtout, comme le souligne l’ONG israélienne Who Profits (et son très bon rapport sur SodaStream) « les Palestiniens qui travaillent dans les colonies ont plus de risques de se faire exploiter et il ne faut pas oublier qu’ils sont aussi des sujets occupés. Et à ce titre, ils ne bénéficient pas de tous leurs droits civils et ils dépendent de leurs employeurs pour obtenir leur permis de travail ». Et pour obtenir ce permis, les Palestiniens doivent obtenir le feu vert des services de renseignements israéliens. Une fois obtenu, ce permis peut être retiré à tout moment si le travailleur est considéré comme un risque. Et tout conflit avec son employeur est considéré comme un risque par les services de sécurité …
De son côté, Oxfam rappelle que faire du commerce avec des entreprises installées dans les colonies légitimise l’occupation israélienne, quelque que soit le traitement des travailleurs palestiniens dans ces colonies.
Oui, sodaStream est sensé déménager son usine de Mishor Adumim dans le Neguev, en Israël. Mais ça a beaucoup à voir avec le fait que la société est la cible des campagnes de boycott du BDS depuis des années.
Alors, forcément quand on lit la défense de Scarlett Johansson dans le Huffington Post, on reste un peu dubitatif : « SodaStream est une entreprise qui s’investit dans la défense de l’environnement et pour rapprocher les Israéliens et les Palestiniens de la paix en les faisant travailler ensemble, en leur donnant le même salaire, les mêmes bénéfices et les mêmes droits ».
Vision paternaliste et idéaliste du conflit. “Oh oui, faisons travailler ensemble les Palestiniens et les Israéliens dans les colonies israéliennes pour arriver à la paix.”
John Kerry pourrait peut-être s’intéresser à la question. Allez, Bibi et Abbas, vous reprendrez bien une petite limonade!
parodie trouvée sur le minitel mondial
English version :
No but seriously, why Scarlett Johansson needed to get into this mess ?
For the love of carbonated water ?
Many will say : “But eventually , it is just a machine that makes bubbles in water ! no need to make it into a political issue. ”
It’s funny how it reminds me when JR put an end (discreetly) to its project in the West Bank back in 2011. Back then, people were not talking about boycott but normalization. But at the end, reactions were the same : ” We make art, not politics .”
Yes, except that everything is political here. Either you like it or not.
And everyone knows it.
But let’s go back to the subject.
Scarlett Johansson, American actress of Lost In Translation, is criticized worldwide because she gave her image to the Israeli company SodaStream, that produces machinery for carbonating water.
I say why not : If she wants to make bubbles, let’s leave her make bubbles!
BUT it gets quite disturbing when you know that :
– SodaStream products its machines in Mishor Adumim, a business park located in an Israeli settlement in the West Bank , near Jerusalem
– This settlement is illegal under international law
– Scarlett Johansson is (was) also an ambassador for Oxfam, a British humanitarian NGO very active in the Occupied Palestinian Territories.
Attacked from all sides, Scarlett Johansson finally chose SodaStream and its millions of dollars instead of Oxfam and humanitarian issues. Question of priority.
Some reply that :
– SodaStream product in ONE ( and not MANY) settlement
– SodaStream is also supposed to move soon to a new factory on the other side of the Green Line, in Israel
– SodaStream employs half of Palestinian workers and therefore helps the local economy
– SodaStream is not involved in politics, it just makes bubbles in water
Yes, all these statements are true.
But they require some clarification.
SodaStream moved to Mishor Adumim in 1996. The company also has today a factory in Ashkelon and another one soon in the Negev. Officially SodaSteam chose to settle in a West Bank settlement, for financial reasons and none for political views, as Peter Wiseburgh, the founder of the company, explained in 2000 : “I looked everywhere, but anywhere I looked the bureaucracy was cumbersome. When I got here, the space [formerly occupied by the Israel military industry] was deserted and full of pigeons. So I just turned around and walked away. A week later, the Jerusalem Economic [which leases the industrial zone from the Israeli Civil Administration] offered to give me the site for free for the first six months, and then for 44,000 shekels rent per month (9,000 €) and also offered 100,000 dollars in cash for the cost of renovating the place. I rented 13,000 square meters, and it was a good deal. Not a political act”.
Not a “political act”, except that the settlement of Mishor Admumim is established on 7,500 hectares of Palestinian land. It is also through this settlement that the settlement of Maale Adumim, adjacent, was built and it is now one of the largest in the West Bank.
In 1975 , the Israeli government gave the green light for construction near the site of Mishor Adumim of a compound for workers. This was the beginning of the construction of Maale Adumim which today host 35,000 inhabitants .
The confiscated lands for the creation of these two settlements originally belonged to the Palestinian villages of Abu Dis, Azariah , A- Tur, Issauy , Han El Akhmar, Anata and Nebbi Mussa . It is still considered today as the biggest expropriation in the history of the Israeli occupation.
It is a fact, many Palestinians work in Israeli settlements. Most of them do it for higher wages and because of the growing unemployment rate in the West Bank. For Israeli employers, Palestinians workers are seen as a cheaper workforce and they do not need to provide them with workers and trade union rights. But more importantly, as the Israeli NGO Who Profits emphasizes : “It is important to highlight that the Palestinian residents of the West Bank who work in settlements suffer not only from potentially exploitative employment conditions, but also from the fact that they are occupied subjects and thus they do not enjoy civil rights, and depend on their employers for work permits.”
And to obtain this permit, Palestinians must get approval from the Israeli security forces. Once obtained, this permit may be withdrawn at any time if the worker is considered as a risk. And a conflict with an employer is considered as a risk by the security services …
For its part, Oxfam said that doing business with companies located in settlements legitimize the Israeli occupation, no matter how Palestinian workers are considered in these settlements.
Yes, SodaStream is supposed to move its factory of Mishor Adumim to another in the Negev, in Israel. But it has a lot to do with the fact that the company has been the target of the BDS campaign for the last couple of years.
So, inevitably when we read Scarlett Johansson’s defense in the Huffington Post, we are a bit skeptical : “SodaStream is a company that is not only committed to the environment but to building a bridge to peace between Israel and Palestine, supporting neighbors working alongside each other, receiving equal pay, equal benefits and equal rights.”
Paternalistic, idealistic vision of the conflict. ” Oh yes , let’s put Palestinians and Israelis working together in an settlement and we will achieve peace. ”
John Kerry might be interested in that.
Come on, Bibi and Abbas, just have another lemonade!