De loin, ce ne sont que des silhouettes filiformes allongées ou assises sur une pelouse. De près, ce sont des Soudanais, des Erythréens, des Ivoiriens ou encore des Congolais qui ont trouvé refuge dans ce parc du sud de Tel Aviv. Ils sont des centaines à vivre sur cette pelouse, repartis par groupe de 5 ou 6, souvent de la même région, parfois du même village.
La plupart sont arrivés en Israël il y a quelques semaines, quelques jours, en passant par le Sinaï égyptien. Le trajet a pris entre une semaine et deux mois. Ce jeune de 26 ans originaire d’Erythrée m’assure qu’il a payé 3000 dollars pour avoir une place dans un camion et passer la frontière.
Une fois en Israël et passés le centre de rétention, ces réfugiés sont amenés par bus au parc Levinsky. Ce n’est pas un camp de réfugiés ni un centre d’aide aux migrants, c’est juste une pelouse avec des jeux pour enfants et quelques petites fontaines pour boire de l’eau. Pourtant, c’est devenu en quelques années le refuge de centaines de migrants entrés illégalement en Israël. Sans emploi (leur visa temporaire ne leur permet pas de travailler), la plupart des réfugiés sont aussi sans domicile fixe. Leur adresse maintenant c’est le parc Levinsky, à quelques mètres de la gare routière centrale de Tel Aviv.
Le parc est devenu le concentré de la misère et de la honte. Misère de ces migrants qui se retrouvent sans ressource et abandonnés, honte de la société israélienne qui ne sait pas quoi faire de ces réfugiés africains non juifs.
« Pendant des années, le gouvernement israélien a mis ce problème au frigidaire, il a congelé le problème en pensant qu’il allait s’évaporer. Mais il s’est empiré et maintenant on se plaint. Et ce n’est pas seulement en Israël. Tous les pays du monde vendent des armes en Afrique et ils devraient savoir que ça produit des réfugiés, ça produit des guerres qui produisent des réfugiés. Il fallait penser à tout ça avant » Oscar secoue la tête et regarde par terre. Cela fait 18 ans qu’il a quitté le Congo.
A 18h, l’atmosphère change, l’agitation grandit et les silhouettes se lèvent. C’est l’heure à laquelle des bénévoles israéliens du quartier viennent distribuer de la nourriture gratuitement. Les files sont impressionnantes. Le fond de l’air se tend. Chacun veut attraper un bol de riz et de légumes. Yigal supervise la distribution : « En 5 mois, on a distribué 60 000 repas et 3 tonnes de vêtements et de médicaments. Ces gens ont besoin d’aide, alors je les aide ».
On parle de 60 000 immigrés entrés clandestinement en Israël ces 5 dernières années. Autant de personnes qui viennent s’échouer sur cette pelouse.
Dans le quartier, aux alentours, la colère des riverains grandit… nourrie par les discours de la droite israélienne qui qualifie ces migrants africains de « cancer » pour la société et de menace au caractère juif de l’Etat d’Israël. Accusés d’être responsable de crimes commis à Tel Aviv, les réfugiés africains sont devenus les hommes à expulser.
La police multiplie les arrestations dans le parc. Tout le monde a peur. 1500 Sud-soudanais vont à terme être renvoyés chez eux, le premier vol est parti dimanche vers Juba.
D’autres ne peuvent pas être expulsés, ils sont protégés par les Nations Unies en raison des guerres qui défigurent leurs pays. Mais pour autant, certains ont peur d’être un jour renvoyé chez eux. Abdelaziz me raconte que son village du Darfour a été brûlé par les forces de Karthoum. S’il retournait là-bas, il ne saurait même pas où aller.
Reportages et photos à découvrir sur le site de la Deutsche Welle (et ici) à l’occasion de la journée mondiale des réfugiés.