La Bande de Gaza c’est 360 km2 et 41 kilomètres de côte. 41 kilomètres de plages, de sable, d’évasion.
Soumis à un blocus depuis 2007 et dans l’impossibilité de sortir de cette enclave, les Gazaouis aiment aller à la plage. C’est d’ailleurs souvent leur seule activité et leur seul moyen de s’échapper de leur quotidien.
Alors, les familles viennent en masse depuis l’arrivée de l’été. Elles viennent se détendre, jouer, manger, nager.
Sur les plages, c’est un véritable ballet auquel on assiste. Le spectacle est captivant.
Les femmes arrivent dès les sorties d’école avec chacune une demi-douzaine d’enfants qui se ruent alors dans l’eau, habillés. La plupart ne savent pas encore nager et ils restent au bord à barboter. D’autres, plus âgés, s’aventurent un peu plus loin dans cette eau souvent très sale (les usines de retraitement déversent les eaux usées directement dans la mer). Au milieu de cette foule barbotante, il y aussi des surfeurs, des pêcheurs, des « plaisanciers », des chevaux qui viennent se rafraîchir. Les enfants jouent, se battent, font des concours de plongée. Au bord de l’eau, habillées en long manteau noir et voilées, les femmes jettent un coup d’œil amusé sur leurs progénitures. Elles parlent entre elles, rigolent.
Sur le sable, les coins d’ombre sont pris d’assaut, les parasols et les tentes se déploient au fur et à mesure que l’heure avance. Sur des couvertures, les familles s’entassent et sortent les pique-niques. Les marchands font les cent pas, ils proposent chips, fruits secs, glaces, pommes d’amour, seaux, pelles, bouée et cerfs-volants.
Le bruit est omniprésent. Les vagues, les cris, les moteurs des bateaux, la musique. Et les sifflets des maîtres-nageurs. Loin de Malibu et de la Californie, les sauveteurs de Gaza sont une bande de potes d’une vingtaine d’années. De leur guitoune, ils surveillent les très nombreux nageurs et barboteurs, armés de sifflets et d’un micro.
Leur cabane de surveillance est devenue l’endroit à la mode sur la plage. Leurs amis (seulement des hommes) s’y pressent. Ils y restent la journée à discuter, rigoler, boire du thé.
D’ici la vue est grandiose. La plage s’étend sur les 41 kilomètres que compte la Bande de Gaza. Le ciel est clair, le soleil tape et se reflète sur les vagues. Au loin, au nord, on aperçoit les cheminées des usines d’Ashqelon, ville industrielle israélienne, seul élément visible d’Israël depuis la plage.
L’autre élément visible ce sont les croiseurs israéliens, postés au large de la plage, dernier maillon de ce blocus sur Gaza.
Mais ici sur la plage, tout ça paraît presque loin. Du poste des sauveteurs, le bord de mer rassemble à n’importe quel bord de mer. Un Gazoui s’avance vers moi. Il me demande comment je trouve la plage à Gaza. « Très belle », je réponds. Amusé, il poursuit : « Les gens qui viennent à la plage sont heureux. Ils sont là pour oublier. Ils ne sont ni riches, ni pauvres, ils sont juste là pour vivre normalement et s’amuser ».
Photos (c) Emilie Baujard – www.merblanche.com – all rights reserved