Le drapeau palestinien entouré des 127 autres drapeaux des pays qui ont reconnu la Palestine en tant qu’Etat. En arrière plan, le palais présidentiel de Mahmoud Abbas.
Depuis l’échec de la demande de reconnaissance d’un Etat de Palestine à l’ONU en septembre dernier, de plus en plus de voix s’élèvent dans les Territoires palestiniens pour appeler à la dissolution de l’Autorité palestinienne. Est-ce possible ? Les Territoires palestiniens sont-ils viables sans l’Autorité ?
Au début était Oslo.
L’Autorité palestinienne a été créée le 4 mai 1994 suite à la signature des accords d’Oslo. Le plan prévoyait que l’Autorité palestinienne serve d’intermédiaire pendant 5 ans, le temps de la création d’un Etat de Palestine. 18 ans après, l’Etat de Palestine n’est toujours qu’un mirage, les Palestiniens n’ont jamais été autant divisés (géographiquement et politiquement), l’Autorité palestinienne ne contrôle réellement que 40% du territoire et le processus de paix est au point mort depuis 1 an et demi.
Pourtant, en septembre dernier, les Palestiniens ont surfé sur une vague d’espoir quand Mahmoud Abbas est allé à l’ONU demander au Conseil de sécurité de reconnaître la Palestine comme le 194e Etat membre de l’organisation. Mais 10 mois plus tard, la procédure est à l’arrêt et les rêves palestiniens envolés. L’adhésion à l’UNESCO en octobre dernier, a redonné un peu le sourire mais la plupart des Palestiniens ne s’y trompent pas : la situation est figée, il faut donner un nouveau souffle à la cause palestinienne. Et pour certains, cet appel d’air doit forcément passer par la disparition pure et simple de l’Autorité palestinienne.
La triple crise : politique, financière et de légitimité.
La principale critique formulée contre le pouvoir de Mahmoud Abbas est qu’il participe à l’occupation israélienne en maintenant le statu quo. Pour preuve, le nombre de colonies israéliennes en Cisjordanie qui ne cesse d’augmenter, la judaïsation de Jérusalem-Est et l’absence de contrôle palestinien sur la zone C qui représente 60% de la Cisjordanie et où vivent plus de 50 000 Palestiniens.
A tout cela, s’ajoute les 500 000 colons installés en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
Politiquement, l’Autorité palestinienne est affaiblie. Notamment, depuis la scission avec la Bande de Gaza et la prise du pouvoir du Hamas en 2007. Il y a désormais deux gouvernements (un à Ramallah et un autre à Gaza), déconnectés l’un de l’autre. Avec d’un côté, un pouvoir à tendance islamiste qui ne reconnaît pas l’existence d’Israël (dirigé par le Hamas) et de l’autre, un gouvernement laïc (emmené par le Fatah), interlocuteur privilégié de l’Etat hébreu dans les négociations.
Rassemblement pour les 24 ans du Hamas à Gaza en décembre 2011
L’année dernière, un accord de réconciliation a été signé entre le Fatah et le Hamas. Mais pour l’instant, il n’a été suivi d’aucun effet concret : le gouvernement d’union nationale annoncé début février est toujours remisé dans un carton et les élections présidentielle et législatives annoncées depuis des années n’ont toujours pas eu lieu. Et ne devraient pas avoir lieu tout de suite.
Pourtant, sans ces élections, l’Autorité palestinienne met en jeu sa légitimité car officiellement, Mahmoud Abbas n’a plus de mandat depuis 2009. Les Palestiniens estiment aussi qu’ils n’ont obtenu aucun avancée concrète depuis 1994 et les accusations de corruption se multiplient. La pression de la rue se resserre et l’Autorité palestinienne réplique à coups de censure et d’arrestations (notamment dans le nord, à Jénine).
Financièrement, la situation n’est guère meilleure. L’Autorité palestinienne, dont les finances dépendent de l’aide internationale, est entrée dans la plus grave crise financière depuis sa création. Il manque plus d’1 milliard de dollars pour remettre les comptes à flot (Israel a d’ailleurs fait une demande de prêt – rejetée – au FMI pour tenter de sauver l’Autorité), les salaires des fonctionnaires de juillet ne seront sans doute pas versés et le gouvernement palestinien en appelle à la générosité des pays arabes. Le premier ministre Salam Fayyad tente de maintenir la tête hors de l’eau, lui qui apparaît plus comme bailleur de fond qu’un chef de gouvernement.
Et pour ne rien arranger, les négociations avec Israel sont au point mort depuis septembre 2010 (la dernière grande conférence pour la paix remonte même à 2007 à Annapolis) et personne ne peut dire aujourd’hui quand et si elles reprendront un jour.
Le bruit de la rue.
Devant ce triste constat, l’Autorité palestinienne perd des soutiens. Il n’est plus rare d’entendre des slogans anti-Abbas dans les rues de Ramallah. Et le week-end dernier, des centaines de personnes sont descendues dans les rues pour dire NON à la reprise des négociations avec Israel et NON à la gouvernance de l’Autorité palestinienne telle qu’elle est aujourd’hui.
Le mouvement de contestation n’est pas nouveau mais il a émergé ces derniers jours après l’annonce de la visite à Ramallah du numéro 2 du gouvernement israélien, Shaul Mofaz. Ancien commandant des forces armées israéliennes en Cisjordanie et ancien ministre israélien de la défense, Shaul Mofaz apparaît pour la majorité des Palestiniens comme un criminel de guerre. A ce titre, ils estiment qu’il ne peut mettre un pied en Territoire palestinien et, selon eux, Mahmoud Abbas devrait avoir honte d’avoir même seulement pensé à vouloir le rencontrer.
Finalement, la réunion entre Abbas et Mofaz prévue ce dimanche 1er juillet a été reportée à une date indéfinie. Pas annulée. Reportée. Ce qui a fait redoubler la colère des manifestants qui sont retournés dans les rues pour crier leur désaccord. En face, l’Autorité palestinienne a déployé sa force anti-émeute, appuyée de flics en civil. La répression a été violente : plusieurs personnes ont été blessées, d’autres arrêtées et des caméras ont été confisquées.
Pour l’instant, les manifestants n’ont pas réussi à atteindre le palais présidentiel, la Moqataa. Ils ont été repoussés par les forces de police à chaque fois. Pas découragés pour autant, Ils vont à nouveau tenter de protester sous les fenêtres de Mahmoud Abbas, ce mardi 3 juillet en fin d’après-midi.
L’Autorité peut-elle s’écrouler ?
Difficile de répondre à cette question sans en amener d’autres. L’Autorité a t’elle la force de résister à la rue ? La rue a t’elle vraiment l’intention de renverser l’Autorité ? A quoi ressembleraient les Territoires sans gouvernement ?
Certains Palestiniens disent préférer une troisième Intifada à un pouvoir dirigé par l’Autorité palestinienne. Soit. Mais quelles seront les conséquences d’une troisième Intifada ?
Dans tous les cas, l’Autorité vit des jours difficiles et les accords d’Oslo pourraient bien devenir un lointain souvenir. Le pouvoir de Mahmoud Abbas a beaucoup de dossiers à régler pour retrouver sa stabilité : Gaza, Hébron, zone C, colonies, crise financière, processus de paix. L’Autorité pourra-t-elle tout gérer ?