Gaza-Egypte / Hamas-Frères musulmans

Mohammed Morsi, le candidat des Frères musulmans, est devenu dimanche le premier président démocratiquement élu de l’Egypte. A quelques kilomètres de là, dans la Bande de Gaza c’est l’euphorie. Pour le Hamas, allié des Frères musulmans, l’arrivée de Morsi au pouvoir est une aubaine. Il y voit un nouvel allié de poids dans la région.

Rassemblement du Hamas et du Jihad islamique à Gaza après la victoire de Mohammed Morsi en Egypte, 24 juin 2012

Dans les rues de Gaza, il n’est pas rare de croiser une affiche de Mohammed Morsi et dans les rassemblements, le drapeau égyptien flotte désormais aux côtés de ceux du Hamas et du Jihad islamique. « Les Egyptiens ont fait le bon choix. Mohammed Morsi est un homme bien qui comprend le peuple palestinien » se réjouit cette étudiante gazaouie de 20 ans.

L’élection de Mohammed Morsi a été fêtée en grande pompe dans toute la Bande de Gaza, à coup de tirs de joie et de rassemblements de soutien à la « Grande Egypte ».
Pour les Gazaouis, l’arrivée au pouvoir d’un Frère musulman est vécue comme un espoir, un renouveau, dans ce territoire soumis à un blocus (terrestre, aérien et maritime) depuis 2007.

Une prochaine levée du blocus : rêve ou réalité ?

Depuis la chute d’Hosni Moubarak, les liens entre l’Egypte et la Bande de Gaza se sont renforcés : ouverture partielle du terminal de Rafah (au sud), livraisons de gaz, rôle de médiateur avec l’autorité palestinienne (réconciliation Fatah/Hamas) et Israël (signatures de trêves avec certains groupes armés de Gaza).

Ce qu’espèrent les Gazaouis maintenant c’est que l’Egypte fasse pression sur Israël pour la levée de blocus. Pour eux, le schéma est simple : les Frères musulmans sont au pouvoir en Egypte, le Hamas qui contrôle Gaza est un des petits frères des Frères, l’Egypte va avoir une voix sur la scène internationale et demander la levée du blocus pour ces frères de Gaza. Surfant sur la vague des révolutions arabes, Gaza espère que la voix égyptienne sera entendue.

Mais l’équation est-elle aussi simple ?
La levée du blocus n’est qu’une partie du problème.
Premièrement, on ne sait pas exactement quelle sera la marge de manœuvre du nouveau président égyptien et quelles seront ses priorités. Les Frères musulmans vont déjà devoir gagner leur place sur la scène internationale, se faire reconnaître et accepter en tant qu’interlocuteur valable.

Ensuite, les relations entre la Bande de Gaza et l’Egypte sont ambigües. Le terminal Rafah n’est ouvert que partiellement, il n’y pas d’accord commercial et les services de sécurité égyptiens s’inquiètent de l’insécurité croissante dans le Sinaï. Ils mettent en avant des liens entre certains militants de Gaza et des groupes qui se revendiquent d’Al Qaïda dans le Sinaï égyptien.

Quid de l’autorité palestinienne à Ramallah ? Si Mahmoud Abbas et Salam Fayyad, en Cisjordanie, ont eux aussi félicité le nouveau président égyptien, l’ambiance n’était pas aux célébrations comme dans la Bande de Gaza.
L’autorité palestinienne se satisfaisait de Hosni Moubarak qui maintenait un statu quo dans la région entre l’Autorité palestinienne, le Hamas et Israël.

Le hamas peut-il obtenir une reconnaissance internationale ?

Au ban de la communauté internationale depuis sa prise de pouvoir en 2007 dans la Bande de Gaza, le Hamas est considéré comme une organisation terroriste notamment par Israël, les Etats-Unis et l’Union européenne. A ce titre, aucune discussion directe n’est possible avec le parti islamiste.

Mais le Hamas espère que les révolutions arabes vont changer les choses. La communauté internationale a reconnu le nouveau pouvoir tunisien emmené par les islamistes (qu’on dit modérés) d’Ennahda et le nouveau gouvernement marocain formé des membres du parti islamiste PJD.
Va-t-elle maintenant continuer sur sa lancée et revoir sa position vis-à-vis du Hamas ?
C’est peu probable. En tout cas, dans un futur proche. Car le Hamas est impliqué dans des attentats suicides en Israël qui ont fait des centaines de morts et le parti islamiste ne reconnaît toujours pas l’existence de l’Etat hébreu.

 

L’espoir des Gazaouis risque bien de retomber très vite. Au grand désespoir d’Ahmad, un jeune infirmier : « Les gouvernements islamistes ne sont pas parfaits pour diriger un peuple. C’est comme à Gaza. On nous avait dit que le Hamas feraient de Gaza un nouveau New York, mais rien ne s’est passé ici ! La situation est même pire qu’avant ».

 

Plus de lectures :

L’heure des islamistes (en français)
Les conséquences de la victoire de Morsi sur la bande de Gaza
(en anglais)
Le Hamas pourrait gagner une reconnaissance internationale
(en anglais)

 

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